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15 juillet 2019

Alvaro Martino : L’Indien d'El Alamein à Sallaumines

COUV L'INDIEN

Préface

« Notre héritage n’est précédé d’aucun testament »
René Char, Feuillets d’Hypnos, 1943-1944

En tête de son texte, Alvaro brandit, comme une bannière déployée en tête de cortège, une citation de Françoise Dolto. J’y relève deux expressions qui, finalement n’en font qu’une : « son histoire … le construit ».

Chacun des termes associe, comme dans une équation mathématique, des constantes (histoire, construire), et des variables (sonje). Sous ces variables, vous et moi, les miens et les vôtres, tant cette construction par l’histoire est universelle et vaut aussi bien pour les individus que pour les collectifs dans lesquels ils se rassemblent : des couples, des fratries, des familles et des peuples.

Comme l’a si bien résumé Michel de Certeau dans le titre d’un de ses nombreux ouvrages, Histoire et psychanalyse entre science et fiction, il y a deux manières d’envisager cette construction, selon que l’on prenne le point de vue de l’historien tournée vers la description du cadre temporel dans lequel se déroulent les vies et les faits qui les déterminent, ou selon que l’on se place dans la perspective du psychanalyste tournée vers la compréhension de l’histoire, singulière et personnelle, de la formation d’une individualité, d’une « machine désirante ».

Dans son Patriarche, Alvaro prend une position intermédiaire. L’Histoire n’est pas livrée comme la construction achevée d’un thésard à la veille de la soutenance de ses travaux. Elle n’est pas non plus servie comme la conclusion d’un rapport psychologique rédigé à la demande d’un quelconque tribunal. Alvaro rapporte et partage des notations confiées à ses carnets, comme d’autres délivrent leurs pensées vagabondes sur le divan de leur psychanalyste. À chacun sa cure, selon ses désirs et selon ses moyens. 

Mais que l’on ne s’y trompe pas ! Ce n’est pas sur de tels carnets que l’on se ment à soi-même, tant ce qui s’y écrit est porteur de points d’interrogations. Le rapprochement avec la psychanalyse ne vaut qu’à travers la sincérité du discours et la grande liberté avec laquelle il se déploie. Il se déroule comme la vie elle-même, au gré des circonstances toujours changeantes, au gré du surgissement imprévisible des idées et des questions.

En toute spontanéité, ces carnets ont engendré une littérature de fragments. Une telle littérature autorise ce qui, dans la construction d’un roman, passerait ici pour une redite ou là pour un coq-à-l’âne. En cela, le livre qui en découle se déroule comme la vie elle-même, sans plan préétabli, avec son lot de hasard et de mystères, délivrant un flux continu où se succèdent et se mélangent des choses aussi bien accidentelles qu’essentielles.

De ce point de vue, ce qui est essentiel, ce sont les carnets eux-mêmes. Le livre n’est qu’un de leurs accidents. Le plus heureux, sans doute, puisqu’il vise leur partage et cherche à le permettre.

Que ce qui a été écrit avec autant de sincérité et d’humilité soit lu avec la même sincérité et la même humilité. Alors sera partagée la fierté d’être dans une lignée qui pourrait se donner un blason où, d’un morceau de charbon, jaillit un éclair.

Xavier Casanova

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